9 nuances de jalousie

Illustration de la jalousie et la possessivité

« L'amour sans jalousie n'est pas l'amour »,

Paul Léautaud

La jalousie est un sentiment puissant. Soit qu’il nous mine de manière souterraine, soit qu’il nous déchire à grands fracas, il est, bien tragiquement, à la fois la condition de l’engagement amoureux (ce qui prouve que l’on est attaché à l’exclusivité de notre relation), à la fois l’une des causes les plus pesantes et les plus violentes de rupture.

Souvent considérée comme négative, la jalousie est un sentiment protéiforme et complexe. Dans cet article, nous plongeons ensemble dans ses méandres, en analysant ses différentes facettes, en faisant son portrait aux mille nuances.

Sommaire

1. La jalousie, un classique.

Dans son acception la plus classique, la jalousie amoureuse désigne une émotion négative, un mélange d’agressivité et de la peur dont elle découle, peur bien connue de perdre l’exclusivité de l’être aimé au profit d’une autre personne. La particularité de ce sentiment, c’est qu’il peut être fondé sur les faits comme sur l’imagination.

2. La jalousie, c’est la base.

D’un côté, on pourrait se dire qu’au fond, la jalousie témoigne d’abord d’un sentiment d’attachement à l’être aimé et d’un désir d’exclusivité. On pourrait dire que cet attachement et ce désir d’exclusivité sont positifs, puisqu’ils fondent la volonté d’engagement dans une relation exclusive et sérieuse avec la personne aimée.

3. Le syndrome d’Othello.

Mais s’il ne s’agissait que de cela, on n’en parlerait pas autant. Et surtout, on n’en parlerait pas en des termes habituellement si négatifs.

En poète et fin psychologue, Shakespeare la décrit par exemple comme « un monstre qui se moque de la victime dont il se nourrit ».

Que veut-il dire par là ?

Dans Othello, le personnage éponyme développe un délire passionnel proche de la paranoïa. Othello soupçonne l’infidélité de Desdémone, sa conjointe, sans aucune raison valable. Il tord le réel au nom d’une méfiance incontrôlable. Et sous le poids de ses imaginations intrusives et obsédantes, il finit par assassiner Desdémone, puis par se suicider lui-même. Autrement dit, sa jalousie, nourrie d’imaginations déconnectées des faits – et pour cette raison d’autant plus incontrôlable – le conduit à tout détruire : son amante et lui-même.

Othello a donc été possédé par un monstre qui s’est moqué, qui s’est joué de lui. De manière ironique et tragique, Othello a détruit tout ce qu’il chérissait, précisément parce qu’il le chérissait. À travers sa jalousie il prétendait défendre l’image d’un amour pur et sincère – un amour qu’il a souillé éternellement du meurtre et du suicide.

Ainsi, la jalousie consiste en une sorte de spirale négative, une spirale obsessionnelle de suspicion et de méfiance où l’autre, d’objet d’amour, devient objet de haine, de pulsion liberticide et, finalement, meurtrière.

À noter que ce syndrome d’Othello est un trouble psychologique identifié dans le DSM IV, un trouble paranoïaque, classé parmi les troubles psychotiques. C’est donc un cas tout à fait extrême de jalousie, avec lequel ne doit pas être confondue la jalousie la plus commune.

4. La jalousie colérique.

Dans la plupart des cas en effet, et c’est une chance, la jalousie ne débouche pas sur la psychose, la paranoïa, le meurtre et le suicide.

Elle n’en est pour autant pas moins douloureuse, et un tantinet schizophrénique.

D’un côté, la jalousie est une émotion au goût amer. Colère, tristesse, frustration, dégoût, inquiétude à s’en ronger les doigts, fièvre à l’idée que l’être aimé passe du temps avec une autre personne, imaginations douloureuses de l’infidélité affective ou sexuelle, soupçons épuisants… la jalousie nous engage alors dans des comportements peu constructifs, délétères pour le couple. Une curiosité excessive, des reproches, des disputes, un comportement étouffant, contrôlant, restrictif, intrusif à l’égard de notre partenaire, tout cela érode la confiance qui est au fondement du couple, entrave la communication entre les partenaires.

5. La jalousie docile.

D’un autre côté, il arrive bien souvent que la personne jalouse manque de confiance en elle. Que son manque de confiance en soi serve de terreau à ses tendances jalouses, ou qu’il soit la conséquence d’une relation où la confiance mutuelle fait objectivement défaut, le partenaire jaloux a souvent tellement peur de perdre son partenaire qu’il en finit par tout accepter. Acceptant tout… et finalement n’importe quoi, il s’efface alors de la relation. Un déséquilibre relationnel s’installe, qui ne peut conduire à des schémas relationnels malsains et à la rupture.

6. La jalousie de possession

La jalousie de possession se manifeste lorsque l'un des partenaires veut contrôler l'autre, limitant ainsi sa liberté et son autonomie. La jalousie est liée à une peur de perdre l’autre. Qu’elle provienne d’un manque de confiance en soi ou d’une perte de confiance en l’autre, elle s’articule autour d’un même sentiment d’insécurité liée à l’indépendance de l’autre.

Chez la personne jalouse, l’idée de liberté de son ou sa partenaire est entachée d’inquiétude, synonyme d’un malaise écrasant. Dans Odes et fragments, la poétesse Sappho, du VIIe siècle avant J.C., décrit cette jalousie en des termes puissants : « un spasme étreint mon cœur... un feu subtil soudain a couru en frisson sous ma peau... une sueur glacée couvre mon corps, et je tremble tout entière possédée, je suis plus verte que l'herbe ; me voici presque morte, je crois. »

Face à ce malaise intérieur, la personne jalouse développe alors compulsivement une tendance à contrôler son ou sa partenaire, à réduire sa liberté… se condamnant alors elle-même à faire fuir la personne qu’elle aime et donc à auto-réaliser sa plus grande crainte : la perdre !

7. La jalousie de l'ex

Les souvenirs du passé hantent souvent le présent. C’est le cas par exemple quand une relation amoureuse passée pèse sur une relation amoureuse présente. Le ou les passés amoureux de notre partenaire suscitent en nous des interrogations et un sentiment d'insécurité. On se montre jaloux des anciennes relations de notre partenaire. On voudrait être sûr que notre partenaire présent(e) nous aime plus que ses précédent(e)s partenaires. L’idée qu’il nous aime moins finit par nous obséder, par nous déchirer et l’on ne sait plus comment s’en sortir.

Certains expliqueront cette jalousie par un manque d’estime personnelle, ou, à l’inverse, par les signes clairs que notre partenaire est encore fasciné, ou attiré, ou admiratif à l’égard de son ex-partenaire. On se dit alors que notre partenaire s’ennuie forcément avec nous.

Il ou elle nous répondra que non, sans savoir comment faire pour nous convaincre. Pour l’aider, on peut aussi se dire que l’amour n’est pas un sac de billes. Ce n’est pas parce que l’on donne 10 billes à quelqu’un, qu’il ne nous en reste que 9 pour quelqu’un d’autre. Ce n’est pas parce que l’on a aimé beaucoup quelqu’un par le passé, que l’on aime moins à présent. C’est juste que l’on aime différemment, à un autre moment de notre vie, avec des projets différents, une sensibilité ou des attentes différentes.

8. La jalousie face aux amis

C’est la jalousie qu’éprouve l’un des partenaires envers les amis de son ou sa partenaire. La personne jalouse se sent menacée par les relations étroites que son ou sa partenaire entretient avec d'autres personnes. Elle a beau savoir que l’autre a besoin d’une vie sociale, cela le dérange. Le malaise vient de ce que la personne jalouse s’imagine être moins proche, moins bien connaître, ou être moins importante aux yeux de son ou sa partenaire, que ses amis.

9. La jalousie des réseaux sociaux

Avec l'avènement des réseaux sociaux, apparaît aussi la jalousie en ligne.

La chercheuse Marie-Ève Daspe, membre du centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles de l’Université de Montréal, a mené une étude sur les risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux chez les amoureux.

Selon elle, l’usage des réseaux sociaux représente deux risques intimement liés pour le couple.

1. La jalousie virtuelle :

Les interactions en ligne permettent d’échanger des mots d’affection, des émotions, de s’apporter un soutien mutuel, de créer de manière instantanée une intimité, une complicité. Le moindre "J'aime" peut alors déclencher un sentiment de jalousie.

Comme Mme Daspe le développe, « plus une personne utilise les réseaux sociaux, dont Facebook, plus elle s’expose à toutes sortes d’informations sur l’être aimé qui peuvent lui paraître ambigües, comme percevoir un rival potentiel chez quelqu’un qui a aimé une de ses publications. Et nos recherches démontrent que la jalousie peut ultimement augmenter le risque de conflits importants et de violence psychologique ou physique ».

2. La surveillance électronique :

Les réseaux sociaux permettent des comportements de surveillance, d’épier en secret une partie au moins des interactions sociales de notre partenaire. Comme le dit Mme Daspe, « une personne jalouse peut avoir tendance à faire de la surveillance électronique en épiant tout ce que son partenaire publie sur ses comptes. Les activités de cette personne et les notifications de nouveaux amis peuvent ainsi devenir prétexte à de la surveillance, à du harcèlement ou à de la violence directe ou indirecte. »

Pour écouter davantage cette intéressante chercheuse, c’est ici.

Conclusion

La jalousie est un sentiment puissant et complexe, nuancé, qui évolue en fonction des pratiques sociales de l’attention à l’autre. C’est toujours une manière de se prendre et de se déprendre, de s’accrocher, de ne pas se lâcher et de se faire fuir. Dans la jalousie, c’est toute l’ambivalence du sentiment amoureux qui se cristallise.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter notre article sur la peur d'être quitté(e), ou vous interroger sur le fait de savoir si votre partenaire a bien désinstallé l'application de rencontre sur laquelle vous vous être rencontrés.

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