L’amour incalculable : le mystère du coeur selon Pascal

Illustration d’une calculatrice pour calculer l’amour
Sommaire

Nous poursuivons notre série sur les grands philosophes, après l'amour selon Descartes, voici la vision de Pascal.

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point »

Pascal, Pensées.

1. L’amour ? Une affaire de cœur.

Comme Descartes, son contemporain, Pascal pense l’amour comme étant contraire à la raison. On utilise bien l’expression « tomber amoureux ». L’idée de cette expression est que l’amour peut être comparé à une chute : une chute de la raison, une chute du contrôle. Quand on tombe amoureux, on perd le contrôle. On ne comprend pas bien ce qui nous arrive. En ce sens, le sentiment d’amour est « mystique », au sens étymologique du terme, c’est-à-dire, « qui renvoie au mystère », à ce qui échappe à la raison.

L’amour n’est donc pas quelque chose que l’on rationalise, que l’on anticipe. Pascal n’est autre que l’inventeur de la machine à calculer, l’ancêtre de nos algorithmes de matchmaking. Et pour lui, l’amour est précisément quelque chose qui échappe aux machines, quelque chose que l’on ne peut pas calculer, pour le produire comme un résultat logique, sur commande.

Pour Pascal, on ne peut pas non plus réduire l’amour à des processus dans le cerveau, comme avait tendance à le faire Descartes, sans perdre ce qui fait tout le sens et toute la puissance de l’amour. On dit souvent que l’amour “nous emporte”. L’amour est une force qui emporte tout sur son passage. Au-delà d’un simple processus physiologique dans le cerveau, l’amour est en effet ce qui structure nos existences individuelles et collectives. L’amour est même pour Pascal le moteur et le sens de l’Histoire ! Les tragédiens antiques comme classiques l’ont bien compris, qui mettaient toujours en scène l’opposition entre la passion amoureuse de ses personnages, et le devoir.  Des guerres furent déclarées et des peuples anéantis, pour de simples histoires de coeurs.

Prenons l’exemple de la guerre la plus célèbre de l’Antiquité : la Guerre de Troie. Telle que décrite dans l'épopée d'Homère, "L'Iliade", est en partie déclenchée par l'enlèvement d'Hélène, la reine de Sparte, par Pâris, le prince de Troie. Pâris et Hélène étaient amoureux, ce qui conduisit à une série d'événements qui ont finalement déclenché la guerre entre les Achéens et les Troyens. Si Pâris et Hélène avaient respecté leurs devoirs respectifs, comme le leur conseillait Hector, guerrier légendaire et frère aîné de Pâris, des milliers de vies auraient été épargnées, l’Histoire et la face du monde seraient différentes !

Ainsi, le cœur et l’amour sont un levier puissant du réel, irrationnel et qui pour cette raison inspire depuis tout temps la littérature et la poésie.

2. Je t’aime un peu, beaucoup… à l’infini…

Pascal est célèbre pour sa notion de "l'infini" et de "l'amour infini". Dans ses Pensées, il soutient que l'homme est à la fois un être fini et un être aspirant à l'infini. En effet, nous mesurons notre finitude au fait que nous sommes à peine des grains de sables dans l’univers. Nous naissons et nous mourrons. Nous connaissons le manque, la perte, l’incapacité, le handicap, la faiblesse, la fatigue et, finalement, la passion par quoi jamais nous ne fonctionnerons aussi bien qu’une machine.

Or selon Pascal, notre désir d'amour est une manifestation de notre quête de l'infini, de notre désir profond de dépasser notre condition d’êtres finis. L’amour vient d’un désir insatiable pour l’infini, qui ne peut être comblé par des biens matériels ou des satisfactions éphémères. Dans cette perspective, l'amour humain, bien que limité dans sa forme terrestre, bien plus qu’un triste processus physiologique dans le cerveau, reflète en réalité notre aspiration au divin, à l’éternel et à l’infini.

3. Je t’aime… moi non plus.

Pascal s’intéressait également à la dualité de la volonté humaine en relation avec l'amour. Pascal décrit cette dualité comme un sentiment simultané et paradoxal de "vouloir" et le "ne pas vouloir". L'homme veut être heureux et cherche l'amour, mais en même temps, il est souvent en proie au doute, à la peur et à l'incertitude.

Qui peut se targuer de n’avoir jamais éprouvé cette ambivalence mystérieuse, quand on aime une personne à la folie, mais qu’à la fois, on a peur de cet amour, de notre désir, ou de s’engager avec cette personne que l’on aime pourtant ?

Cette tension entre le désir et la peur, cette ambivalence ou dualité entre l'attraction de l'amour et la crainte de la vulnérabilité, est une caractéristique intrinsèque de l'amour humain pour Pascal. Et c’est ce qui le rend si vivifiant, si profond. Pascal nous invite donc à reconnaître cette dualité et à l'accepter comme une partie essentielle de notre expérience amoureuse plutôt que comme le signe d’un échec. Encore une fois, l’amour n’est pas logique.

Conclusion :

L'amour, selon Blaise Pascal, est une force complexe qui transcende les limites de notre existence finie, tout en reflétant notre désir et notre capacité à l'infini. Il nous rappelle que l'amour est à la fois une quête de bonheur et un défi, une tension entre le désir et la peur, entre la félicité de l’intime et l’horreur de la guerre. En fin de compte, l'amour est un domaine riche pour la réflexion philosophique, nous invitant à explorer les profondeurs de la condition humaine et de notre recherche d'un sens et d'une plénitude dans ce monde complexe et en constante évolution.

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