L’envie : pour le meilleur et pour le pire

Le dessin d'un homme avec un aimant dans la bouche.

L’envie est synonyme de convoitise et de jalousie. “Envie” vient d’ailleurs du latin invidere qui signifie “regarder d’un oeil jaloux”. On entend généralement par “envie”, une forme de convoitise mêlée de dépit et de haine à la vue du bonheur ou des avantages de l’autre. L’envie est alors un ressentiment, une forme de désir écoeuré à la vue du bonheur de l’autre.

Pourtant, dans le terme “envie”, il y a le terme “vie”. Hasard phonologique, certes, mais qui a le mérite de rappeler que l’”envie” renvoie aussi au désir et à ce qui nous fait sentir en vie.

Entrons dans le détail de cette notion complexe, distincte de la jalousie à laquelle nous avons consacré un autre article.

Sommaire

1. Envie de toi

Johnny Halliday l’avait bien compris, l’envie a à voir avec la vie. Elle est, comme il dit, ce qui donne un “prix à la vie”. Avoir envie, c’est être en vie, et surtout, savoir ce qui donne un sens, une valeur, une motivation à vivre. “J’ai envie de toi” exprime le désir que l’on a de l’autre, qui nous emporte à la manière d’une bouffée de vie. C’est le moment où ma vie et la vie de la personne que je désire, se mêlent, se correspondent. L'autre dont j’ai envie devient le centre de ma vie. Tout mon corps, toute ma tendresse, toutes mes caresses, toutes mes pulsions, toutes mes pensées s’articulent autour de cet autre dont j’ai envie. Il devient ma vie, là où se passe ma vie, par où passe mon désir, élan vital qui me constitue.

Car vivre s’entend en deux sens :

  • En un sens intransitif, on est “en vie”, à la manière d’un organisme vivant.
  • Au sens transitif, on vit quelque chose. On fait l’expérience de quelque chose qui nous fait sentir pleinement en vie.

Ainsi, avoir envie de quelqu’un, comme l’on a envie de son partenaire - ou plus envie - c’est ce qui donne un sens au fait d’être en vie, ce qui nous fait sentir pleinement en vie.

2. Envie d’être toi.

L’envie ne doit pas non plus être confondue avec la jalousie, qui consiste à ne pas vouloir perdre ou partager son partenaire amoureux par exemple.

L’envie consiste (c’est son sens premier) à désirer ce dont jouit l’autre : les biens, le cercle social, le partenaire ou la vie qu’il possède.. On ressent alors du dépit parce que l’on ne possède pas soi-même ces biens ou ce bonheur. On peut même développer une forme de haine à l’égard de cette personne. Le ressentiment nous ronge alors de l’intérieur.

Dans Anatomie d’une chute, Delphine Triet s’intéresse à l’envie dans le couple. Samuel voit chez sa compagne Sandra une forme d’accomplissement personnel et social qui lui manque à lui. Il développe alors de l’envie à l’égard de sa partenaire.

Sandra est une auteure célèbre qui se consacre entièrement à son écriture, Samuel est un auteur raté qui se décourage à chaque page et consacre finalement tout son temps et tout son argent à rénover une maison dans l’idée, un jour peut-être… de louer des studio… pour, un jour, avoir enfin du temps et de l’argent pour… écrire.

Samuel accuse Sandra de cette situation, lui reproche de prendre trop de temps pour elle et son écriture, et de l’empêcher de s’épanouir lui-même, en ne partageant pas la charge mentale du quotidien.

Mais Sandra le voit d’un autre œil, plus implacable, plus objectif. Solide mentalement, elle met Samuel en face de ses contradictions et de ses responsabilités. Elle lui fait entendre qu’il est le seul et unique responsable du fait qu’il ne s’épanouit pas individuellement. Soit qu’il n’assume pas son désir, ou qu’il n’ait pas le courage des choix et sacrifices qu’implique le fait de vivre sa passion, il se cherche des excuses. Plutôt que d’écrire, il choisit tout seul de déménager à la montagne et de rénover un gîte, au lieu de se mettre à écrire. Alors il trouve en Sandra un exutoire, une manière de se défaire de cette responsabilité que nous avons tous vis-à-vis de notre propre existence personnelle : celle d’aller ou non au bout de notre désir et de ne pas gâcher sa vie, en vivant autre chose que notre désir profond.

3. L’envie par comparaison.

L’herbe semble souvent plus verte chez le voisin, n’est-ce pas ? Il arrive par exemple que la monotonie du quotidien prenne le dessus au sein de notre couple. Notre relation tombe alors dans une forme de routine. Des habitudes sans joie, répétitives, s’installent. Tout devient prévisible, ennuyeux. Quoi de pire, alors, que de voir autour de soi d’autres couples vivre des expériences plus excitantes ?

L’envie renvoie alors à ce dépit et ce ressentiment que l’on éprouve dans cette situation où l’on se compare à d’autres couples où les choses semble comme “plus vivantes !”. On regrette de ne pas vivre des choses aussi enthousiasmantes que les autres. En parler, c’est un peu comme appuyer là où ça fait mal. Parce que l’on en vient à douter de notre propre couple.

4. L’envie de l'apparence

L’envie liée à l'apparence physique est plutôt courante. Plus encore à l’époque des réseaux sociaux, où le marketing de soi est devenu omniprésent, où chacun travaille son image, son style, son corps. Les normes de beauté souvent stéréotypées, idéalisées par la société, entraînent alors un sentiment d'insécurité. On se compare. On se sent moins attirant, moins stylé, moins haut en couleur. Et l’on ne sait pas comment se rassurer.

3. Le zèle.

Dans Les Travaux et les Jours, le poète Hésiode décrit comment, quand un agriculteur voit que son voisin, plus dur à la tâche que lui, obtient une meilleure récolte, cela l’incite à travailler plus lui-même. Hésiode, poète Grec du VIIe siècle avant J.C., appelait cela le Zelos. Le Zelos, que l’on traduit aujourd’hui par « zèle », est une forme de jalousie positive qui produit de l’émulation entre les personnes.

Ainsi, entre Samuel et Sandra, plutôt qu’une jalousie destructrice, les deux auteurs auraient pu entrer dans une forme d’émulation positive, se poussant l’un l’autre à faire toujours mieux.

Cependant, comme le remarque Hésiode, cette saine émulation résiste mal à la tricherie. Samuel accuse par exemple Sandra de lui avoir volé une idée littéraire, ce qu’elle reconnaît, mais à quoi elle rétorque que les idées appartiennent à tous, que tout dépend de qui les fait vivre ou non. Combien d’artistes spoliés se sont entendu répondre cela ? Combien d’artistes n’ayant pas encore trouvé le temps ou les conditions concrètes de réaliser leur idée, ont vu un autre artiste, à qui ils en ont parlé, s’accaparer leur idée, la réaliser et récolter la gloire ? C’est toute la subtilité de l’écriture de Delphine Triet, que de ne pas simplifier les choses, que de montrer que l’envie est un phénomène complexe au sein du couple.

Conclusion :

L'envie renvoie donc à deux choses.

D’abord, c’est un désir puissant, qui nous pousse à vivre quelque chose. Jacques Brel disait même que le talent c’est de l’envie : “celui qui a envie de manger du homard a le talent de manger du homard”. Ainsi, avoir envie de quelqu’un, c’est vouloir vivre cette personne : la sentir, la toucher, être avec elle, en sa présence, que notre vie soit remplie de la sienne.

Ensuite et en un sens plus négatif, l’envie est une forme de convoitise. C’est toute la différence entre “avoir envie” et “envier”. Envier quelqu’un, c’est désirer posséder ce que cette personne a (un avantage, un bonheur, un objet, un prétendant ou un partenaire amoureux) et regretter de ne pas le posséder soi-même.

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